• Pays basque (Euskadi + Navarra). Evolution récente 2015

    Pays basque (Euskadi + Navarra). Evolution récente 2015

    François (Pantxoa) Caussarieu et Richard Neuville

    Rappel séquence 2011-2014 

    Un processus pour une paix juste et durable 

    Rappelons quelques étapes du processus en cours.

    En janvier 2011, l’ETA décide d’un « cessez-le-feu permanent, général et vérifiable » en réponse à la Déclaration de Bruxelles du 29 mars 2010, dans laquelle, la communauté internationale déclarait son soutien à la gauche abertzale (indépendantiste), qui s’engageait sur des voies pacifiques pour mettre un terme négocié au conflit sanglant.

    Un débat interne s’engage au sein de la gauche abertzale. Celle-ci s’engage à respecter la loi des partis en intégrant le refus explicite de la violence de l’ETA (février 2011).

    Suite à cette décision et à l’initiative de la Déclaration de Bruxelles, le Groupe international de contact (GIC) est créé en février 2011 et définit des objectifs après consultation des partis politiques basques. Il entend faciliter la normalisation politique et fixe pour cela trois conditions :

    1- Faire en sorte que cet apport international puisse être constructif et décisif et identifier les éléments nécessaires pour arriver à une situation de normalisation, de transparence et d’inclusion politique totale.

    2- Rassembler des personnalités de très haut niveau investies dans la résolution de conflits dans le monde.

    3- Réunir une large pluralité de partis et de syndicats.

    Le processus obtient le soutien d’organismes internationaux dédiés à l’étude des conflits : Berghof Foundation, Conciliation ressources, The Desmond Tutu Peace Foundation et la NOREF.

    Le 17 octobre 2011, la conférence internationale pour la paix s’ouvre à Donostia/San Sebastian. Elle aboutit à la Déclaration d’Aiete dont le contenu est lu et signé par les six représentants internationaux présents : Jonathan Powel, Bertie Ahern, Gro Harlem Bruntland, Pierre Joxe, Gerry Adams et Kofi Annan, et bénéficie du soutien de Tony Blair, de George Mitchell et de Jimmy Carter.

    La Conférence d’Aiete a constitué un point de départ historique et irréversible dans la résolution du conflit car elle s’adressait à tous les acteurs. Elle a fixé une feuille de route en cinq points :

    ·         arrêt de la violence de l’ETA,

    ·         ouverture d’un dialogue par les gouvernements espagnol et français,

    ·         rencontres de responsables politiques avec des médiateurs internationaux,

    ·         reconnaissance de toutes les victimes,

    ·         constitution d’un comité pour accompagner la mise en œuvre des recommandations.

    Trois jours plus tard, ETA annonçait « l’arrêt définitif de la lutte armée ».

    Le 24 novembre 2012, ETA franchit un nouveau pas en proposant un calendrier de discussion avec la France et l’Espagne afin de mettre un terme définitif à la confrontation armée. L’organisation indique vouloir discuter du retour des prisonniers et des exilés au Pays Basque, du désarmement et de la dissolution des structures armées.

    Malgré toutes ces avancées unilatérales, les gouvernements des Etats espagnol et français sont restés dans le déni le plus parfait, sans amorcer le moindre geste, dans leur obstination à refuser toute négociation de paix.

    Les arrestations et assignations à résidence ont continué côté français en 2013 et 2014 dans une collaboration inter Etats France/Espagne rappelant les années 80. Preuve de cette intransigeance politique, la déclaration sans ambiguïté du ministre de l’Intérieur français, Manuel Valls, concernant la création d’une collectivité spécifique parue dans le quotidien El Pais le 29 octobre 2012 : « Il n’y aura pas de structure administrative basque, nous ne voulons pas ouvrir ce débat. Les choses sont claires dans notre esprit et tant qu’ETA n’aura pas restitué ses armes nous demeurerons inflexibles ».

    La victoire éclatante des forces abertzale fin 2012 

    Quelques jours plus tôt, lors des élections anticipées dans la Communauté autonome d’Euskadi, la population basque du sud avait manifesté avec éclat son soutien au processus engagé en votant massivement pour les partis politiques abertzale (indépendantistes) et en leur octroyant les 2/3 des 75 sièges au Parlement de Gasteiz/Vitoria. Le Parti nationaliste basque (PNV : centre droit - démocratie chrétienne) l’emportait avec 34,6% des voix (-4%) et obtenait 27 sièges en devançant la coalition EH Bildu (indépendantistes de gauche) avec 25 % des voix et 21 sièges (qui apparaissait comme le grand vainqueur pour sa première participation dans cette configuration).

    Les partis « espagnols » : le PSOE-PSE avec 19,1 % des voix (-11,6%) et 16 sièges (-9) et le PP (droite conservatrice) avec 11,7% des voix (-2,4%) et 10 sièges (-3) étaient en net recul, leur intransigeance dans leur refus à engager des négociations en vue d’une résolution du conflit était lourdement sanctionnée. Après des tractations, le PNV gouvernera seul avec une majorité relative.

    Un processus de paix en butte à l’intransigeance des Etats 

    C’est dans ce contexte qu’a eu lieu l’arrestation/extradition d’Aurore Martin par la police de Manuel Valls en novembre 2012. Cette arrestation, puis son extradition le jour même dans l’Etat espagnol - en vertu d’un Mandat d’arrêt européen (MAE) - a démontré que le processus de paix engagé par la société civile et la gauche basque depuis plusieurs années se heurte toujours au refus obstiné des Etats espagnol et français à engager des négociations et à prendre en compte les avancées unilatérales, tout comme le sens des résultats des dernières élections un mois avant, en octobre 2012.

    Avec cette arrestation, on peut dire que les deux Etats n’ont fait preuve ni de courage, ni de détermination pour trouver des solutions en vue d’une résolution démocratique, politique et pacifique du conflit au Pays basque espagnol, attestant de la part des secteurs les plus durs de la droite et de la police espagnole une volonté de criminalisation permanente de la gauche indépendantiste, relayée par les medias à la solde du Partido Popular (PP).

    Pour rappel : Il reste aujourd’hui 400 prisonniers basques, dont une centaine de femmes et hommes dans les prisons françaises, réparti-e-s dans une trentaine d’établissements pénitentiaires (certain-e-s étant incarcéré-e-s à près de 1 000 kms de leur pays).

    Les élections aux parlements provinciaux et les municipales (mai 2015) 

    Dans les quatre provinces du Pays Basque Sud (communauté autonome Euskadi + Navarra), les élections du 24 mai ont été suivies de l’élection des exécutifs, mairies, au parlement de Navarre et aux assemblées provinciales (Juntas Generales) de la CA d’Euskadi.

    PNV 

    Le Parti nationaliste basque est le grand vainqueur de ces élections. Avec 359 995 voix, il améliore les résultats de 2011 (333 534 bulletins) et devient la première force dans les trois diputaciones de la Communauté autonome basque Euskadi : Gipuzkoa, Araba, Bizkaia. Cette dernière se trouvait déjà entre ses mains. Les deux autres étaient détenues par EH Bildu (coalition abertzale de gauche) et le PP (droite).

    Concernant le Gipuzkoa, la victoire s’est jouée dans un mouchoir de poche. Jusqu’à la fin du dépouillement le PNV et EH Bildu étaient au coude à coude. Finalement, le PNV a recueilli 9 000 bulletins supplémentaires (un total de 112 933 bulletins).

    Bien qu’il occupe la première place à la diputacion provinciale, occupée jusque-là par le Partido Popular (droite), le Parti nationaliste basque perd des voix en Alava, c’est donc grâce à la chute du PP que son leadership dans cette province a été rendue possible.

    Par ailleurs, le PNV a gagné dans des villes symboles comme Donostia/San Sebastian (ville perdue par la coalition de gauche EH Bildu), Tolosa et Zarauz.

    EH Bildu 

    Si l’on prend en compte les élections provinciales, EH Bildu (coalition abertzale de gauche) est toujours la seconde force au Pays Basque sud ; elle recueille 289 899 bulletins (316 183 en 2011), soit une baisse de 8,3% au niveau des 4 provinces.

    Pour les élections municipales, elle obtient 308 396 voix (313 158 voix en 2011). Une stabilité qui atteste d’une bonne gestion locale de la gauche abertzale et d’un électorat fidèle, hormis la perte sévère et très symbolique de Donostia/San Sebastian.

    Après des scores exceptionnels en 2011, expliqués par le nouveau contexte politique (abordé plus haut), EH Bildu est en perte de vitesse en Gizpukoa, son fief historique où elle perd la capitale et la diputacion. En tout, 16 000 voix de moins, autant en Bizkaia. Par contre dans la capitale de cette province, Bilbao, la coalition de gauche indépendantiste double le PP et devient tout de même la deuxième force.

    La tendance s’inverse en Araba où elle améliore ses résultats (plus de 400 voix supplémentaires) et surtout en Navarre où la surprise historique est venue de la prise de Pamplona/Irunea à la droite au pouvoir depuis 40 ans, par un maire de la gauche abertzale à la tête d’une coalition EH Bildu (5 sièges), Geroa Bai (5 sièges, soutien du PNV), Aranzadi (3 sièges, soutien de Podemos), coalition soutenue par Ezkerra (IU et Batzarre). Une des alliances les plus diverse et insolite au pouvoir dans une grande ville européenne !

    EH Bildu a attiré les voix en faveur du changement contre la droite, ce qui lui a permis de se placer comme deuxième force et conquérir la mairie avec l’appui de cette coalition.

    Podemos 

    C’est clairement la surprise de ces 2 scrutins, surtout au niveau des élections provinciales.

    Pour sa première expérience dans des élections de proximité, Podemos fait une percée significative. Il représente la troisième force du Pays Basque Sud derrière les 2 grandes forces indépendantistes et devant le PSOE. 8 sièges à la diputacion d’Araba, 6 dans celle de Bizkaia, 6 dans celle de Gizpukoa et 7 sièges au parlement de Navarre.

    Le parti issu du mouvement des Indignés obtient au total 193 530 voix, à l’issue des élections provinciales. Il a maintenant son mot à dire, surtout en Navarre où il fait ses meilleurs scores et a aussi grignoté une partie de l’électorat d’EH Bildu dans son fief du Gipuzkoa.

    Le PSE (PSOE) 

    Le Parti socialiste d’Euskadi poursuit sa chute, obtenant 191 653 voix aux élections provinciales (232 089 en 2011), se retrouvant derrière Podemos ! Il garde, néanmoins la mairie d’Irun, Eibar et Lasarte.

    Le PP 

    Le Partido Popular (droite) a du mal à contenir l’hémorragie et perd plus de 60 000 voix entre les scrutins de 2011 et 2015. Il laisse sa place à la diputacion d’Alava, mais se maintient à la mairie de Gasteiz/Vitoria.

    Geroa Bai (Navarre) 

    La poussée de Geroa Bai en Navarre a été une surprise. Ce parti issu de l’ancienne coalition Nabai soutenu par le PNV est devenu la deuxième force aux élections forales avec 53 034 voix (Nabai en recueillait 49 827 en 2011). Le parti d’Uxue Barkos obtient 9 sièges et surtout, la Présidence du parlement de la Navarre, devant EH Bildu (8 sièges, 47 843 voix), Podemos (7 sièges, 45 848 voix) et Ezkerra (IU + Batzarre - 2 sièges), formations avec lesquelles il a constitué une grande coalition pour prendre la province à la droite (UPN).

    UPN (Navarre) 

    Se maintient à la première place, mais l’UPN (droite provinciale) est le grand perdant de ces élections. Symbole d’un régime installé en Navarre depuis la fin du franquisme, le parti de perd 20 000 voix et, surtout, a perdu la province et la capitale, Pamplona/Iruñea. La chute d’UPN se décline dans de nombreuses villes de la province telles que Tudela, Tafalla, Lizarra et dans le canton du Baztan.

    Les élections législatives nationales (décembre 2015)

    Lors de ces dernières élections nationales, la grosse surprise au Pays basque est à observer dans les résultats de Podemos, avec surtout un « jump » impressionnant entre les résultats de la séquence de mai et ceux de décembre, à seulement 7 mois d’intervalle.

    Ce phénomène a été observé également en Catalogne, mais le différentiel est plus important au Pays basque.

    Dans les 3 provinces de la Communauté autonome 

    Le PNV a 6 députés élus aux Cortès (+1) avec 24,75% des voix, à comparer aux 33,78% obtenus aux provinciales du mois de mai, soit 9% de moins.

    Podemos avec 5 députés élus, est en tête en nombre de voix, avec 26%, à comparer aux 13,93% de mai, soit 12% de mieux !

    EH Bildu n’a que 2 élus, soit une perte de 3 députés. En 7 mois la coalition de la gauche abertzale passe de 22,73% à 15,07% soit presque 8% de moins.

    Le PSE (PSOE) a 3 élus (-1) avec une stabilité entre les résultats de décembre (13,25%) et de mai (13,82%)

    Le PP perd encore du terrain avec 2 élus (-1) à 11,62%

    En Navarre  

    Podemos monte à 23% avec 2 députés, à comparer aux 13,67% de mai, soit 9,3% de mieux.

    EHBildu est à 10% à comparer aux 14,25% de mai (- 4,25%)

    Geroa Bai (soutenue par le PNV) est à 8,68% à comparer aux 15,83% de mai (- 7,15%)

    Le PSE (PSOE) avec 15,53% obtient 1 élu et augmente un peu son score entre les deux séquences de 2015.

    L’élément principal qui saute aux yeux de ces résultats, c’est qu’en 7 mois, le camp indépendantiste dans ses deux grandes composantes (gauche et PNV) a perdu beaucoup de voix. En ce qui concerne EH Bildu, la coalition d la gauche abertzale a été littéralement siphonnée par Podemos, alors que le PS n’est pas concerné par cette bascule électorale.

    Ces chiffres constituent un véritable « choc » dans le paysage électoral du Pays basque.

    Deux raisons principales peuvent être avancées pour expliquer cette évolution rapide et de tels résultats :

    - la première concerne l’enjeu de la question de l’indépendance : l’évolution et l’inflexion du discours des responsables de Podemos entre les deux séquences, se positionnant « pour une résolution démocratique de la question nationale » (c’est la première fois qu’un parti défend cela au niveau de l’Etat espagnol) au Pays basque comme en Catalogne, a clairement impacté les résultats. Dans les deux grandes régions, cette question pèse prioritairement.

    - mais la deuxième cause de cette bascule - peut-être la principale – relève de ce qu’on peut identifier comme un « vote utile » de la part des électeurs du camp indépendantiste.

    "Vote utile", parce que placé du point de vue des indépendantistes basques (mais aussi catalans), la question des législatives nationales Espagnoles a toujours constitué un vote secondaire depuis 35 ans, sauf à appréhender qui, élu à la tête de l’Etat espagnol, les mangera et à quelle sauce. Le mode de scrutin national bien sûr neutralise toute dynamique, même forte régionalement. C'est donc logiquement le vote des parlements régionaux et des municipalités qui est depuis 35 ans le plus mobilisateur dans l'électorat indépendantiste, surtout celui de la gauche, qui redoute autant le PP que le PSOE au niveau du pouvoir central.

    Par contre ce qui est complètement nouveau, c’est ce vote massif, dans les quatre provinces sans exception, de transfert du camp indépendantiste vers une autre bannière politique, en l’occurence Podemos, en quelques mois.

    Toujours dans le caractère « utile » de ce vote de la part des électeurs indépendantistes, il y a vraisemblablement l'idée que les élus régionaux de Podemos allaient se cumuler aux autres élus dans toute l'Espagne, accompagnant la vague montante de la gauche citoyenne, et donc une probabilité de disputer le pouvoir au PP à Madrid... ce qui est le cas finalement !

    La question qui se pose à l’analyse de ces résultats, c’est dans quelle mesure ce transfert a-t-il un caractère pérenne de bascule vers le vote Podemos, ou n’est simplement qu’un phénomène de balancier dû au type de scrutin pénalisant l’échelle régionale/provinciale.

    Notons au passage que le même phénomène est devenu classique depuis 30 ans au Pays basque français, où à l’occasion des élections nationales, une bonne partie des votes de la gauche abertzale se reportent (occasionnellement) sur le vote écologiste, Front de gauche et extrême-gauche, et en très faible partie seulement sur le vote PS.

    La presse espagnole s’est empressée d’utiliser ces résultats pour dire que la gauche indépendantiste, et plus largement la cause indépendantiste au Pays basque, était en perte de vitesse. Plus regrettable, des medias de gauche en France (Politis, l’Huma par exemple...) ont relayé cette thèse qui relève à la fois d’une manipulation de la part de la droite et des souverainistes, mais qui surtout, d’un point de vue concret, relève du vœu pieux, au même titre que les mêmes il y a encore 2-3 ans voyaient dans certains résultats électoraux en Catalogne « la perte de vitesse de l’idée indépendantiste ». On sait ce qu’il est advenu depuis...

    Il est vraisemblable que ce vote n'est que "provisoire" et de circonstance, lié étroitement au type de scrutin. La question du processus de construction d’un Etat indépendant en Catalogne comme l'exigence au Pays basque n'en sont pas moins toujours de forte actualité et soutenu par les mêmes qui ont muté leur vote vers Podemos. Ils reviendront à un autre vote plus "régional" et identitaire dès la prochaine occasion.

    Il est vraisemblable aussi que le décalage entre les résultats des élections nationales (au parlement de Madrid) et les élections dans les parlements autonomes qui a toujours existé en Catalogne et au Pays basque se poursuive.

    En y regardant de près c’est clairement EH Bildu qui, en passant de 5 députés en 2011 à 2 aujourd'hui, a connu la plus grosse défection et plus grosse bascule vers le vote Podemos, et dans une bien moindre mesure PNV-Geroa Bai.

    Avec une analyse plus fine des résultats par province et commune, il se dégage une tendance : dans les fiefs historiques d'Herri Batasuna / gauche radicale, EH Bildu conserve sa position en tête. Par contre, partout où l’électorat EH Bildu transfère fortement vers Podemos, il s'agit des communes où le la gauche radicale n’a jamais été aux affaires ou est minoritaire dans la gestion municipale.

    Quoi qu’il en soit, c’est un nouveau paysage politique qui s’est amorcé au Pays basque sud, et qui fera sans nul doute bouger les lignes.

    Un dernier facteur très spécifique au Pays basque doit être rappelé : après 40 ans de lutte armée et tant de dégâts humains, rien n’est résolu…

    Pour conclure en quelques termes, nécessairement incomplets

    Une constante politique, historique et culturelle, déterminante, qui impacte continuellement la donne politique au Pays basque espagnol (comme en Catalogne), devrait accompagner l’approche et l’analyse effectuées sur ce sujet et ses évolutions par notre mouvement.

    Au-delà de différences notoires (lutte armée, influence du catholicisme pour l’un, de l’anarchisme pour l’autre ; droit d’aînesse universel, usages collectifs pour l’un, culture méditerranéenne patriarcale, propriété individuelle pour l’autre) nous retrouvons dans les deux cas une constante formée par plusieurs éléments communs aux deux peuples et déterminants du point de vue du cadre politique :

    - l’ancienneté et la permanence du sentiment d’identité nationale

    - le ralliement à la République en 1931 (excepté la Navarre carliste), sous conditions d’un statut d’autonomie forte

    - l’opposition commune, exemplaire et frontale à Franco pendant 40 ans

    - la puissance et la radicalité du mouvement ouvrier, relayées parfois dans la ruralité

    - le poids économique et niveau de vie des deux régions au regard du reste de l’Espagne

    - la question déterminante de la langue

    Eléments à considérer sans état d’âme ni jugement à priori, juste comme outils de compréhension de cadres politiques et historiques singuliers, emblématiques, et sources de réflexion pour la gauche de transformation, sur l’autre versant des Pyrénées...

    Autre élément plus récent et conjoncturel : la libération le 1er mars dernier d’Arnaldo Otegi après 6 ans de « retour » en prison (extradé dans un premier temps par Pasqua en 1987 et emprisonné pendant 4 ans, puis à nouveau en 2005 et en 2007).

    Considéré comme le « Gerry Adams basque », issu de la tendance poli-mili de l’ETA des années 70, dirigeant historique emblématique de la coalition gauche radicale Herri Batasuna, puis Batasuna, il a été depuis 1998 l’artisan majeur dans la prise de distance du mouvement politique avec la stratégie sans issue de l’ETA, pour le dialogue et la négociation du processus de paix, dans un rapport de force aboutissant à la conférence internationale d’Aiete et l’abandon de la lutte armée par l’ETA en octobre 2011, évoqués plus haut.

    Son aura très forte, son parcours et son engagement pour un socialisme de transformation, écologique et féministe par la voie des urnes, en même temps que l’exigence d’un processus d’autodétermination pour le Pays basque, en font un des pires ennemis de la droite et des souverainistes, qui n’ont cessé de le désigner et le stigmatiser dans un rôle de leader « terroriste », préférant le voir rester derrière les barreaux.

    Une des questions centrales désormais, au-delà de son influence politique évidente dans la gauche basque, va être son appréciation – et plus largement celle de la direction de la coalition EH Bildu - de la nouvelle donne créée par l’émergence de Podemos au Pays basque, son rôle personnel vers un rapprochement pour des alliances éventuelles avec ce mouvement, avec une problématique concurrence/complémentarité qu’il va falloir nécessairement aborder.

    Vers une convergence possible ? Rien n’est sur, même si l’exemple de la prise combien historique de la mairie de Pamplona/Irunea en Navarre montre une voie qui fait trembler et hurler la droite locale.

    Mais comme en Catalogne, une telle convergence sera dépendante d’un positionnement clair et constant de Podemos quand à un processus d’autodétermination au Pays basque.

    François (Pantxoa) Caussarieu, avec la participation de Richard Neuville pour la première partie (2011-2014). 

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